Cher lecteur,
On a un nouveau problème économique : la France compte de moins en moins de foyers « riches ». Peut-être parce qu’ils gagnent moins, ou qu’ils sont simplement partis ailleurs, là où l’air fiscal est plus respirable.
Quand on presse trop sa victime, elle finit toujours par essayer de s’enfuir.
Enfant, j’évitais certains parcs connus pour leurs « petites frappes » qui piquaient les goûters des plus naïfs. L’Etat agit aujourd’hui de la même manière que ces voleurs de goûters : il taxe sans comprendre qu’il y a des limites à ne pas dépasser.
Trêve de plaisanteries, passons aux chiffres.

On constate une baisse substantielle du nombre de foyers fiscaux dans les tranches hautes : la « cible » fiscale se rétrécit.
Et plus l’Etat resserre la vis, plus la fuite devient tentante. Il ne reste en effet plus que 61 000 foyers fiscaux qui gagnent plus de 177 106 € par an. Les chiffres de 2024 seront bientôt disponibles et devraient confirmer cette tendance inquiétante, mais tellement prévisible…
Des étiquettes politiques qui n’ont plus de sens et qui ne pensent qu’à mettre la main sur votre argent
Je viens d’une famille historiquement à gauche ; la gauche humaniste, du mérite, celle de l’ascenseur social. Celle qui voulait que l’ouvrier puisse devenir propriétaire, et que ses enfants accèdent à un meilleur niveau de vie.
Mais depuis fort longtemps, on ne peut que constater que cette gauche-là a disparu. Elle montre du doigt la réussite, jalouse le succès et confond justice et ressentiment. Et la droite ? Tout aussi gangrenée. Beaucoup se réclament du gaullisme, mais de vrais gaullistes, il n’en reste pas dix…
De Gaulle, lui, croyait en un Etat stratège, planificateur, capable d’enrichir le pays. Aujourd’hui, on taxe à l’aveugle en espérant que ça tienne. L’Etat stratège et planificateur a, quant à lui, disparu des programmes politiques, de droite, comme de gauche.
Une ambiance malaisante de « Taxons plus les riches ! » dans les débats
J’entends souvent, dans ces bistrots parisiens où on refait le monde autour d’un verre de Chardonnay bio, les bobos parisiens expliquer qu’il suffit de « faire payer les riches pour régler notre problème d’endettement ». Quand je réponds : « C’est peut-être parce que le pays crée moins de richesse », on me rétorque : « Mais l’argent est là, caché chez les riches ! »
Alors allons-y. Jouons le jeu. Imaginons que tous les Français aisés décident de tout donner à l’Etat. Un sacrifice total, façon « impôt patriotique à la sauce mère Teresa ».
Dans notre scénario du sacrifice volontaire : les Français les plus aisés décident de tout donner à l’Etat, comme si leur revenu servait directement leur « foyer national ».

⚠️ Attention : ces calculs sont volontairement surestimés. J’ai mené plusieurs échanges avec Bercy et l’INSEE pour obtenir la ventilation exacte des milliards taxables par tranche, mais ils se renvoient la balle et ne fournissent pas ces données. Ma simulation joue donc à leur avantage car je ne prends pas en compte la progressivité de l’IR sur les tranches inférieures. Les chiffres présentés exagèrent donc le gain potentiel des tranches supérieures, mais cela permet de mieux visualiser l’impact théorique maximal d’un « sacrifice fiscal » des plus aisés.
Le déficit de l’Etat français s’élevait à 154 Md€ en 2023 et 169,6 Md€ en 2024.
- Passer la tranche 45 % à 100 % aurait rapporté en 2023 ~14 Md€, soit moins de 10 % du déficit.
- Passer la tranche de 41 % à 100 % permettrait d’atteindre ~38 Md€.
- Et en incluant la tranche 30 % vers 100 %, le gain total serait de ~141 Md€.
Pour résumer, si l’Etat avait taxé 100 % des revenus, après abattement de 10 %, supérieurs à 2 399 € net par mois, le budget de l’Etat ne serait même pas à l’équilibre, avec un déficit de 13 milliards pour l’année 2023.
Dans cette expérience extrême qui relève de la science-fiction fiscale, les Français les plus aisés ne pourraient pas combler le déficit de l’Etat…
Cet article illustre plusieurs réalités :
- la base fiscale haute est très limitée, et diminue dans un environnement économique dégradé ;
- une fiscalité confiscatoire fait fuir les contribuables les plus aisés ;
- même un « sacrifice maximal » des contribuables ne permettrait pas d’avoir un budget à l’équilibre ;
- le vrai problème reste encore et toujours la structure globale des dépenses publiques.
En somme, transformer les contribuables en donateurs universels ne résoudrait pas le problème. La vraie question que devraient se poser les politiques ponctionnaires est la suivante : comment réduire les dépenses sans tuer la motivation des Français à produire et à investir ?
Ionès Jaoulane
Directeur des Investissements aux Publications Agora
