Cher lecteur,
Concernant le budget 2026, rien n’étant encore définitivement adopté, il reste pour l’heure fictif. Je ne vais donc pas vous faire perdre du temps en commentant des mesures qui ne verront peut-être jamais le jour. Sébastien Lecornu a d’ailleurs tenté de rassurer les entrepreneurs au sommet Choose France. Le Premier ministre a parlé devant des dirigeants inquiets… voire effrayés par la multitude de taxes votées lors de l’examen du budget.
« On effraie aujourd’hui une partie du pays avec des taxes qui ne verront jamais le jour, parce qu’elles ne sont pas constitutionnelles ou parce qu’elles ne disposent d’aucune assiette », a-t-il déclaré. Encore des paroles…
On saura bientôt sous quel auspice s’ouvrira la saison 2026 des taxeurs de l’Ouest.
Pour l’heure, un sujet qui fait l’actualité retient mon attention.
« Où sont passés mes 5 milliards de TVA ? »

Bercy a fait ses comptes : il manque 5 milliards de TVA. Et le trou pourrait atteindre 10 milliards d’ici à la fin de l’année par rapport à ce que prévoyait le projet de loi de finances 2025.
Petite confidence : on sera probablement bien au-dessus de 10 milliards de manque à gagner. Le gouvernement devra également revoir sa copie pour 2026, où il surestime de manière grotesque ce qu’il encaissera réellement.
Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, a une fausse piste pour retrouver ces milliards de TVA : les petits colis chinois…
C’est bien beau cette histoire des méchants colis chinois, sauf que nos chiffres contredisent cette théorie. Le gouvernement part du principe qu’aucun média ne creusera cette piste, mais nous, on y va.
Sortons la calculatrice :
- colis importés depuis la Chine : 800 millions par an, 91 % venant de Chine d’après le service des douanes ;
- panier moyen : environ 20 € par colis (Shein, Temu, AliExpress) ;
- scénario extrême avec aucune collecte de TVA sur ces produits :
728 000 000 × 20 € × 0,20 = 2,9 Md€.

Dans les faits, ces produits sont soumis à la TVA. Il y a cependant pas mal de fraudes, mais même dans ce scénario extrême où ces sociétés frauderaient à 100 %, le manque à gagner reste trois fois inférieur aux 10 milliards annoncés sur une année.
Les techniciens de Bercy et l’INSEE sont perplexes face aux propos d’Amélie de Montchalin, mais ils n’en diront pas un mot. Quant à la ministre ? Elle ressemble à une directrice de restaurant qui ordonnerait à ses employés de retrouver des clients qui ne sont jamais venus, et le chiffre d’affaires de repas jamais servis.
On marche sur la tête. L’Etat devient fou.
Petite anecdote historique le temps de reprendre votre respiration : à la fin de l’Empire romain, l’Etat était tellement obsédé par les impôts qu’il exigeait parfois le maintien des recettes même quand la population avait disparu. Dans certaines provinces, les paysans morts – ou partis – étaient toujours inscrits comme contribuables… et les survivants devaient payer leurs impôts en plus des leurs. Cette folie fiscale a accéléré leur effondrement.
La réalité sur cette histoire de manque à gagner de TVA en 3 points
I/Une surestimation des recettes gouvernementales pour masquer l’insolvabilité croissante de la France

C’est la méthode Bruno Le Maire créée fin 2023 qui s’installe dans nos comptes publics. On fausse les anticipations et on fait semblant de s’étonner un an plus tard que le déficit est beaucoup plus important que prévu. Ce que les médias financiers n’ont pas encore relevé, c’est que les anticipations de recettes de TVA pour l’année 2026 sont encore plus irréalistes. On fait du Bruno Le Maire en version XXL…
II/De plus en plus d’entreprises facturent sans TVA
Vous savez, les fameux autoentrepreneurs. Le nombre d’entreprises en franchise de TVA a augmenté de 6,6 % en 2024.
Les entreprises qui se situent sous des seuils de chiffre d’affaires annuel par type d’activité économique peuvent opter pour le régime de franchise en base de TVA. Celui-ci les exempte de facturer de la TVA.
Fin 2024, 4,8 millions d’entreprises sont identifiées comme étant en franchise en base, dont une majorité (88 %) sont des entreprises individuelles qui déclarent leur revenu à l’impôt sur le revenu, et relèvent essentiellement du régime micro.
Eh oui, vous ne le saviez peut-être pas, mais 37 % des entreprises françaises ne facturent pas la TVA…

III/Qui dit croissance ne veut pas dire hausse des recettes de TVA

En 2024, malgré une croissance du PIB de 3,5 % en valeur, le chiffre d’affaires imposable a reculé de 1,7 %, limitant la hausse des recettes de TVA à 1,68 %. Si on retire l’effet inflation, le gain est nul malgré une croissance du PIB hors inflation de 1,2 %.
2025 s’annonce être une année avec une croissance inférieure à celle de 2024 et une consommation en berne dans un contexte où le taux d’épargne reste à un niveau élevé. Oui, plus de la moitié de notre PIB repose sur la consommation. Et comme les Français n’ont plus confiance en l’avenir, ils ne souhaitent pas se lancer dans des achats superflus.
Ce qu’il faut retenir
L’Etat embellit, voire truque ses chiffres et les médias ne vérifient plus les données et n’investiguent pas réellement. Les successeurs de Bruno Le Maire s’inspirent de sa technique consistant à promettre des recettes fiscales qui n’arrivent pas, dans une ambiance où les contribuables suffoquent. Cela me rappelle les pratiques du gouvernement grec avant sa faillite…
Les Français vont donc commencer à tricher pour échapper aux taxes. La contestation fiscale est déjà palpable dans différentes strates de la société et le consentement à l’impôt s’effrite.
Ionès Jaoulane
Directeur des Investissements aux Publications Agora
