La semaine dernière, je vous ai fait découvrir l’histoire de la dette française. Aujourd’hui, retour à l’actualité.
Notre nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu n’a qu’une priorité : le budget. Tout le reste est secondaire. Sa méthode ? Offrir quelques gages aux oppositions en recyclant le « budget Bayrou » et en y ajoutant la fameuse taxe Zucman. De quoi donner l’impression de frapper fort : un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, soit environ 1 800 foyers. Selon le Billionaire Census 2024 d’Altrata, la France comptait 72 milliardaires en 2023. Soyez sûr que nos grandes fortunes trouveront bien un moyen d’y échapper. Nous y reviendrons si la taxe Zucman est retenue dans le budget 2026.
En attendant, pour séduire l’opinion, rien de tel qu’un geste symbolique : la fin des avantages « à vie » pour les anciens ministres, à partir de janvier 2026. Une économie dérisoire. De la poudre aux yeux, rien de plus.
Le vrai sujet, c’est le blocage politique qui se profile. Le gouvernement doit présenter son budget 2026 d’ici au 13 octobre. Et il y a urgence : « La France a besoin d’un budget dans les temps », martelait Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, le 31 août. La loi organique encadre strictement les délais : pas de marge, pas de retard.
Mais la question que vous vous posez est simple : qui va gagner et qui va perdre en 2026 ? Réponse évidente : tout le monde perdra. Plus d’impôts, quelques économies de bout de chandelle. La recette est connue.
Je songe d’ailleurs à aller écouter certains débats en commission des finances à l’Assemblée. Là, les visages crispés et les couloirs chuchotants en disent plus long que les grands discours.
Fitch a parlé… mais c’est Standard & Poor’s qui compte

Notes de Fitch
Le 12 septembre dernier, l’agence de notation Fitch a abaissé la note souveraine de la France de « AA- » à « A+ ». Une sanction sévère mais, dans le monde de la dette, l’avis de Fitch n’est pas celui qui déplace les montagnes. Leurs décisions influencent, certes, mais ce sont Standard & Poor’s et Moody’s qui tiennent la véritable balance.
Petit rappel de leur calendrier :
- Standard & Poor’s (AA-, perspective négative) doit réviser sa note le 28 novembre.
- Moody’s (Aa3, stable) le fera le 24 octobre.
- Fitch, elle, a déjà parlé.

Agence France Trésor
Pourquoi cette hiérarchie dans l’influence des agences de notation ? Parce que les portefeuilles obligataires, les régulateurs bancaires et assurantiels sont construits sur les notes des « Big Two ».
Standard & Poor’s (S&P) est souvent perçue comme la plus suivie par les marchés financiers.
Moody’s est très regardée aussi, surtout pour ses analyses de crédit corporate (entreprises).
Fitch suit, mais ne mène pas la danse.
Je me souviens d’une conférence à laquelle j’ai assisté à Lyon, il y a un an, avec Sylvain Broyer, chef économiste Europe de Standard & Poor’s.

Sylvain Broyer, chef économiste Europe de Standard & Poor’s à Lyon le 25 Septembre 2024
Devant quelques centaines de financiers, il avait dit sans détour :
« Nous avons dégradé la note de la France il y a quelques mois ; la situation budgétaire a depuis empiré et est encore plus préoccupante. »
Traduction : si rien ne change, la prochaine dégradation est une formalité.
Le décor est planté
Une dette publique à plus de 113 % du PIB. Une fragmentation politique qui rend toute réforme impossible. Des agences qui observent, et des investisseurs qui font déjà grimper le spread OAT-Bund vers 80 points de base. Il s’agit de l’écart de taux auquel empruntent l’Allemagne et la France sur une durée de 10 ans.

Teleborsa
La suite ? Prévisible. Le gouvernement français multipliera les signaux cosmétiques. Les agences, elles, n’attendent pas des symboles mais des chiffres. Or les chiffres, eux, sont impitoyables.
Alors, oubliez Fitch. Le véritable juge de paix pour la dette française, ce sera Standard & Poor’s. Et la date à surveiller n’est pas le 12 septembre dernier, mais le 28 novembre 2025.
En attendant, ne vous laissez pas enfumer par les débats stériles sur les plateaux TV entre journalistes, économistes et politiques. Tout cela n’est que vacarme inutile, plus irritant qu’instructif. Les véritables réformes, elles, n’émergent qu’au pied du mur, quand la classe politique n’a plus d’autre choix que d’agir dans la douleur.
On se retrouve vendredi prochain, avec du concret. Pas de bruit, pas d’enfumages : uniquement des faits, des chiffres, et des recommandations claires.
Ionès Jaoulane
Directeur des Investissements aux Publications Agora